Construction de l’orgue gothique sur un nid d’hirondelle dans la nef centrale, contre le deuxième pilier à gauche en entrant.
Il est dit que cet orgue fut offert par Louis XI à la cathédrale d’Embrun.
« Incendie » de la cathédrale par les Huguenots.
Intervention de Pierre Marchand, facteur d’orgue flamand. Son « Prix faict » stipule :
« de fere et mettre d’accord bien et duement les orgues de l’église métropoloitaine dudit Embrun sellon la qualité et forme de la caisse sive fust des dictes orgues qui y est à présent et iceult fornir de neuf jeux bons et suffisants à la proportion de la dite caisse de bonne durée et bonne perfection etc… »
Il est précisé plus loin que Pierre Marchand :
« sera tenu comme promet de fere troys soufflets de la longeur et largeur qu’il appartiendra… Plus fera ung sommier pour y louger les neüf jeux… »
Suivit de la composition de l’orgue et de :
« Et oultre ce sera ung tremblant, ung rossignol, ung clavier sy besoing est … ».
Après l’étude complète de la tuyauterie que l’on pourrait attribuer à Pierre Marchand d’après ce texte, nous avons trouvé un cornet de 5rgs en plus par rapport à la nomenclature du « Prix faict ». Le matériel sonore aurait été alors reconstruit et vraisemblablement prévu pour s’adapter aux possibilités offertes par un sommier de 41 notes manuelles. En effet, Pierre Marchand semble avoir conservé le clavier à 41 marches, étendue cependant archaïque pour 1601. Ceci est confirmé d’une part par un document établi 30 ans plus tard, par un moine facteur d’orgues, le frère Louis Jay ou l’étendue du clavier à 41 marches est précisée ( « la grande monstre à 41 marches ») et par l’observation de certaines pièces mécaniques issues d’un sommiers à ressort et du tracé d’un abrégé subsistant au dos de la planche du grand abrégé 18ème .
A deux reprises les facteurs Dominique et André Eustache, restaurent l’orgue. Ils ajoutent un positif de dos dans le style 17ème (c’est aujourd’hui le petit orgue de la chapelle sainte Anne). Pour quelques raisons expliquées dans les textes d’archives, le buffet gothique est l’objet de diverses transformations qui, déjà, compromettent sa solidité. Le soubassement gothique est reculé pour permettre l’installation du positif de dos et créer ainsi un espace viable pour l’organiste. L’étude du buffet révèle facilement ces diverses manipulations. La tuyauterie attribuée à Marchand est intégralement conservée.
Le facteur d’orgues suisse, Samson Scherrer, ajoute devant le buffet gothique une enveloppe style 18ème. Il démonte le positif des frères Eustache, ajoute à la place un nouveau positif dans le style du nouveau décor du grand orgue. L’image de l’orgue gothique s’efface derrière ce nouveau décor… La tuyauterie attribuée à Marchand est toujours conservée ainsi que celle des frères Eustaches d’une très belle facture surtout en ce qui concerne les jeux d’anches. Samson Scherrer, recompose l’orgue avec une Montre de 16 pieds commençant au Fa1, mais il ne rajoute que très peu de tuyaux. Son intervention se résume à un « masquage » du buffet gothique, une légère extension de la partie instrumentale et la construction de 3 très beaux sommiers en noyer. Avec les éléments du positif de dos des frères Eustache, il reconstruit l’orgue de Chœur et en fait un instrument très original de deux claviers. Ce petit orgue, aujourd’hui dans la chapelle Sainte Anne, ne comporte aucun éléments construit par Samson Scherrer. Il est en majorité constitué des parties instrumentales et buffet provenant, d'une part, du positif de dos des frères Eustaches et d’anciens restes du décor d’un petit orgue gothique et, d’autre part, d’un seul élément du décor de la superstructure de l’orgue gothique de la cathédrale.
Le facteur d’orgues Toulousain, Théodore Puget, restaure l’orgue. Une partie de la mécanique est refaite « aux normes » mais la totalité de la tuyauterie ancienne est toujours conservée. Les différents jeux d’Eustache et Marchand, recomposés par Scherrer, sont copieusement mélangés. La composition reste sensiblement la même.
Les Ets Gonzalez de Paris, agrandisse l’instrument par des adjonctions électriques. Ils recomposent les plein-jeux. La partie instrumentale reste telle que Puget l’a laissée, mais l’harmonisation est adaptée au goût néo-classique. Ces interventions d’harmonie sont réalisées proprement, elles sont réversibles.
Démontage complet des deux instruments, Chapelle Sainte Anne et Cathédrale. Les parties instrumentales et la tuyauterie sont l’objet d’une étude complète qui aboutit à une documentation de plus de 300 pages. Le démontage intégral de la partie instrumentale permet un examen précis de tout le buffet gothique ainsi que celui du « nid d’hirondelle supportant l’ensemble. Voici les conclusions de cette étude :
Arrière de la planche d'abrégé Scherrer
Le tracé visible est celui d’un abrégé avec 5 basses diatoniques de chaque côté et le dessus en tierce
Sur cette planche de l’abrégé du petit orgue de la chapelle Ste Anne
On voit l’implantation de 11 crapaudines assez espacées (division vraisemblable d’un pédalier)
Sur les parties extrêmes de cette planche d’abrégé, on peut voir le reste d’un tracé à la sanguine
D’une sortie de 11 notes.
De ces constatations, on peut penser qu’en 1601, une grande part de la partie instrumentale précédent Pierre Marchand a été conservée. Du matériel démonté en Juin 2000, nous avons extrait certaines pièces mécaniques importantes qui viennent confirmer cette hypothèse :
Trois pièces de noyer (n°1 : 875 x 48 x 30 mm, n°2 : 859 x 48 x 30 mm, n° 3 : 905 x 48 x 30 mm), ayant servi de support pour les faux sommiers des deux sommiers grand-orgue de Scherrer, comportent sur une face, une série de chambres (17) trapézoïdales percées en fond d’un trou d’environ 16mm de diamètre. Sur l’autre face, cette perce est encadrée de deux traits de scie. Ces chambres sont dimensionnées de manière régulière, sur l’une des pièces (n°3), après un espace vide, on constate pour les dernières, une alternance dans la dimension des chambres : une grande, une petite, etc..
Nous avons cherché la concordance de ces pièces entre elles. Deux d’entre elles, la n°1 et la n°2, ont une correspondance exacte au niveau de la suite des chambres, la n°3 est en concordance uniquement sur un coté et pour 4 chambres seulement. Après un espace vide, on dénombre encore 14 chambres L’alternance des deux dimensions de chambres commence à partir de la 4ème.
Cette suite, créée à partir du rapprochement en concordance donne une division exactement conforme à celle du tracé d’abrégé découvert au dos de la grande planche de l’abrégé grand orgue. Cette planche d’abrégé comporte trois tracés successifs.
- Le tracé de Samson Scherrer pour 49 notes, (le nom des notes étant inscrit au crayon).
- Un deuxième tracé (uniquement la règle du clavier)de 49 notes, (chaque note est marquée à l’encre), que nous attribuons aux frères Eustache en raison de l’étendue de 49 notes, confirmée par les « prix faict »de 1632 et l’étendue des jeux d’anches que nous leur attribuons (voir étude de la tuyauterie),
- Un troisième tracé, représenté par la perce des crapaudines. Cette disposition est prévue pour un sommier avec une disposition diatonique pour 5 basses à chaque extrémité et les dessus en tierce. C’est ce tracé que nous avons confronté à la division créée par le rapprochement concordant des trois pièces de noyer. L’adéquation est si précise que l’on retrouve même les espaces vides mentionnés ci-dessus.
Ces pièces de noyer proviennent donc d’un sommier unique, non d’un sommier à registres mais d’un sommier à ressort. Par déduction, nous pouvons donner l’étendue du sommier et naturellement, celle du clavier et du pédalier qu’il contenait :
Les 3 chapes de l’ancien sommier à ressorts en concordance et la vue rapprochée de ces chappes :
Du démontage Juin 2000, nous avons extrait 8 sabres en fer forgé d’aspect particulièrement ancien, en forme de jambe de chien exagérée. Ces sabres ont été utilisés par Scherrer entre ses deux sommiers du grand orgue pour ramener vers l’intérieur de l’orgue et sous les sommiers, le mouvement des registres situé au niveau de l’encorbellement de la façade nouvellement créée. L’adaptation de ce matériel ne s’est pas faite sans problème, et une déformation de ces pièces a été nécessaire.
Ces sabres sont en fait un simple balancier démultiplicateur. On constate cependant des différences de taille pour chacun de ces sabres. Si les tailles sont différentes, le rapport de balancier quant à lui est constant. Ceci indique que leur positionnement entre les deux sommiers 18ème n’était pas correcte puisque, les parties rondes et horizontales formant l’axe du balancier étaient toutes disposées à plat sur une planche et au même niveau. Il en résultait donc des surlongueurs soit d’un coté soit de l’autre. L’emboîtement dans les têtes de registres ne s’est pas fait sans les affaiblir. Nous avons constaté aussi que la plupart de ces têtes furent réparées par des broches métalliques. De nombreuses perces du coté grand bras témoignent du tâtonnement inévitable qui fut nécessaire pour obtenir une course convenable.
Ces 8 pièces nous sont donc apparues comme assez mal adaptées à la configuration d’un sommier à registre, par contre, elles semblent s’intégrer naturellement dans celle d’un orgue à sommier à ressorts. Elles se prêtent naturellement à la forme du buffet gothique notamment au niveau du soubassement très étroit.
Nous proposons en annexe un schéma de principe dans lequel on intègre facilement ces 8 sabres.
Mais ce qui nous intrigue le plus sur ce sujet, c’est le nombre de 8 sabres. Par expérience, nous savons que la construction de ces pièces est un travail important et qu’il coûtait et coûte aujourd’hui, encore cher. L’exemple de l’orgue Dom-Bedos de Bordeaux, même si son histoire est fort éloignée et très différente de celle de l’orgue d’Embrun n’est pas sans présenter certaines similitudes. L’orgue de Dom-Bedos de l’ancienne abbaye Sainte Croix de Bordeaux est probablement l’instrument qui a subi les « trafics », les modifications, les déplacements les plus invraisemblables de l’histoire des orgues. Pourtant, la quasi intégralité de son tirage des jeux en fer forgé nous est parvenue. Elle était restée en place dans le buffet Dom-Bedos qui, lui même abrita deux orgues très différent. Il est bien sûr évident, que la conservation de ce type de matériel, pour tout facteur qui transforme un instrument, est une aubaine dont les conséquences économiques sont appréciables.
A la lumière de ces réflexions, nous formulons donc l’hypothèse que ces huit sabres, proviennent très certainement de l’orgue précédent Pierre Marchand et qu’ils nous en indiquent l’ordre de grandeur en ce qui concerne le nombre de registres :
La composition de l’orgue d’après son « Prix faict » de 1601 était la suivante :
Monstre Fleute ungysson
Octave Fleute ungysson de l’octave
Quinzième Nazard
Dix neuvième Lhérigot (2p ?)
Cimballe
Tremblant, Roussignol
Soit 9 jeux.
A ces 9 jeux, il faut rajouter le Cornet (l’un des tout premier cornet en France), qui fut probablement installé plus tard peut être par Marchand sur un deuxième clavier, pour pouvoir l’utiliser de manière convenable (sa tessiture dépassant presque d’une octave celle du clavier).
Grâce au décryptage et à l’analyse des marques anciennes sur la tuyauterie attribuée à Marchand, nous avons pu vérifier la composition et l’étendue du clavier de l’orgue en 1601. De toute la tuyauterie des deux orgues (chapelle sainte Anne et Cathédrale) démontée en Juin 2000, nous avons pu dégager environ 60% (soit environ 288 tuyaux sur 479 que comptait la totalité de l’orgue en 1601) de la tuyauterie 1601 ou avant 1601 et notamment 14 tuyaux d’étain fin de l’ancienne façade en place dans le buffet gothique. (voir étude de la tuyauterie attribuée à Pierre Marchand)
De la partie instrumentale attribuée ou précédent P.Marchand, il subsiste :
Les tuyaux attribués à Pierre Marchand sont facilement identifiables. Les corps et les pieds sont de même étoffe, riche en plomb : le titrage effectué donne 7 % d’étain. Le métal est raboté, raclé, retendu, jamais martelée. Les soudures sont bordées d’un rouge sombre, aisément reconnaissable. Les pieds ont une dimension bien différente des autres tuyaux de l’orgue (210mm au minimum et beaucoup d’autres pieds plus grands + - 240 à 260 mm). L’aplatissage est roman pour certains groupes (Bourdon, Prestant) et droit et long sur les corps et les pieds pour les autres.
Les marques de notes de cette tuyauterie ont toutes été relevées, la grande majorité des tuyaux que nous avons attribuée à cette facture en est pourvue. Ceci permet d’apprécier aisément leurs tailles et leurs appartenances éventuelles à tel ou tel jeu mentionné dans le « Prix faict » de 1601. Dans ce document, la composition de l’orgue est indiquée. Tous les tuyaux de cette facture ont été extraits des jeux trouvés au démontage. Les mesures de tous les jeux en l’ «état juin 2000» ont été prises.
En observant scrupuleusement les tailles, les marques anciennes, les longueurs de corps et de pieds, la nature du métal, et les différentes formes d’aplatissages on peut procéder à un reclassement afin de retrouver des suites cohérentes et des correspondances avec la composition du « Prix faict ».
En voici le détail :
Une série de 27 tuyaux à calotte mobile, avec ses marques de notes anciennes. Tous ces tuyaux proviennent du même jeu, le bourdon de positif (trouvé au démontage). Ces tuyaux paraissent avoir été munis de calottes soudées dès l’origine. Les calottes mobiles ont été créées par coupure du corps précédent. Les traces de raclage du métal confirment cette hypothèse. Cette série se situe sur 3 octaves et finit sur un C (environ ¼ de pied bouché). Les 3 premiers tuyaux sont sans marque de notes, le quatrième est noté par Marchand C# (environ 2 pieds de long bouché).
Une série de 19 tuyaux ouverts avec leurs marques de note d’origine, ils proviennent de différents jeux de l’orgue au démontage : Piccolo, Doublette, dessus de Montre de 16 pieds, Prestant, le tout du G.O. C’est une suite cohérente de tuyaux, la taille progresse de façon régulière et pourrait correspondre à la taille du prestant Dom Bedos affinée d’un demi ton. Ces tuyaux ont jusqu’au 1 pied leur aplatissage de lèvre supérieure et inférieure en arrondi.
En observant les marques attribuées à P.Marchand, inscrites sur les corps, on trouve l’étendue suivante : F#, G, G#, A#,B, tuyaux ouverts avec une longueur qui les insère dans l’octave du 4 pied. Puis, la série se poursuit sur une octave presque complète, toujours avec les marques attribuées à Marchand. Elle se termine sur D dans l’octave du 1 pied.
Une série de 29 tuyaux bouchés avec les marques de note attribuées à Marchand.
Le premier tuyau (sans note) d’une longueur d’environ 1, 1/3 de pied, le 2ème est marqué G#.
Cette série est sans interruption.
Elle s’achève sur un D#. De C (1) à D# (3), les calottes sont anciennes. Elles proviennent comme toutes les calottes mobiles de la tuyauterie attribuée à Marchand, du tuyau précédent. Ces calottes sont à cheminée. Les cheminées ont été retournées récemment à l’intérieur. Certaines sont en métal ancien.
12 tuyaux avec leurs marques de note attribuées à Marchand de C1 à C2 sans D#.
Le premier tuyau est de 2 pieds de long, bouché.
Les quatre premiers ont l’aplatissage de bouche en arrondi. La taille de ce groupe de tuyaux pourrait correspondre à la grosse taille du Bourdon de Dom Bédos décalée d’un ton. Les dessus pratiquement complets, de C2 à C4, sont à bouches étroites = 1/6ème de la circonférence. Ils finissent sur un C de ½ pied. Ces tuyaux ont tous été recoupés.
19 tuyauxouverts, tous ont les marques attribuées Marchand. Le premier tuyau est noté C et mesure 2 pieds de long. Dans la première octave, seul le F est manquant.
La façade du petit orgue de la Chapelle Saint Anne pourrait être attribuée à P. Marchand.
Des similitudes ont été relevées en ce qui concerne les soudures, la qualité du rouge, les aplatissages romans des bouches. Ces 14 tuyaux proviennent du positif de dos des frères Eustache qui les ont descendus de la façade du grand orgue gothique. Les pieds ont été recoupés puis ressoudés très grossièrement pour diminuer le diamètre à la base du pied afin de créer une ligne de bouche pour mieux s’intégrer au positif de style 17ème. A l’arrière de ces tuyaux on trouve un étrange crochet en étain moulé, d’une belle forme. Ces crochets sont tous soudés à la même hauteur. Ils étaient utilisés lorsque ces tuyaux étaient dans le buffet gothique.
C’est une série de 13 tuyaux, sur une étendue de 2 octaves environ. Le premier mesure 2p environ (diamètre = 43,6 mm). Il est noté D (marque attribuée Marchand). Les longueurs sont assez disparates mais la taille est régulière. Trois tuyaux ( attribué Marchand) inclassables pourraient être insérés dans le diapason de ce jeu afin de pouvoir les utiliser. Ce jeu pourrait être la 19ème de 1 1/3 de pieds.
Ce groupe de 10 tuyaux (le premier mesure un ½ pied, diamètre = 29 mm) a les bouches plus étroites (1/7ème de la circonférence) que ceux de la série attribuée au-dessus de flûte 4p. Les longueurs sont disparates.
Un groupe de 10 petits tuyaux au corps d’étain, recoupés. Il pourrait provenir du rang de « Cymbale ». Selon Jean Fellot, dans son ouvrage sur le « plein jeu français », le jeu de cymbale à cette période se composait d’un seul rang, le plus souvent sur la 22ème. Avec les marques de notes attribuée P. Marchand, la taille est alors cohérente pour une 22ème (1 pied). Elle pourrait correspondre approximativement à la taille de la doublette Dom Bédos. Ce jeu est le seul en étain.
Ces 5 rangs de Marchand sont d’une étendue allant de D3 à C5. Tous les tuyaux ont une marque de Marchand. Le bourdon se trouve bien dans les longueurs avoisinant le 1 pied de long, ainsi que le prestant. Les pieds sont courts.
marques anciennes attribuées à Marchand
Après observation, on constate une parfaite similitude entre les jeux d’anches Trompette, Clairon, Voix humaine, Cromorne issus du démontage général Juin 2000 : même alliage non martelé, même noyaux, même bagues, même anches. Le montage du corps sur le noyau se fait par emmanchement dans le prolongement supérieur du noyau. L’ensemble est ensuite soudé. Ce système particulier est constaté sur tous les tuyaux d’anches de l’orgue. Ceci nous amène à supposer que ces jeux sont du même facteur.
Le « Prix faict » 1632 nous indique que Dominique Eustache a fourni l’instrument d’une Trompette et d’une Voix humaine. On peut alors déduire que les autres jeux d’anches sont aussi probablement de ce facteur ou peut-être de son frère André (1656). Les quelques textes relatifs à l’intervention d’André Eustache ne le mentionnent pas.
Entre 1656 et 1750 (Sherrer), on ne trouve rien dans les archives concernant de nouveaux jeux d’anches.
De nombreux pieds de ces jeux ont été changés par d’autres en étoffe martelée, mais quelques-uns d’origine subsistent, en étoffe (20%), raclée en travers.
Cette manière particulière de racler l’étoffe est constatée également dans les jeux de bourdon G.O., tierce positif, tierce G.O., et doublette positif (nom des jeux au démontage). On peut alors penser que ces tuyaux sont probablement de la même époque que les anches décrites plus haut. Nous les supposons de la main des frères Eustache.
Dans ce groupe de tuyaux, identifié par ce type d’observation et attribué à la période Eustache, on pourrait trouver les composants, d’une tierce, d’un bourdon et de quelques tuyaux de fine taille (plein jeu ou doublette). 17 tuyaux d’un jeu de flûte dans la tessiture du 1p s’ajoutent également à ce groupe.
Ces différentes séries de tuyaux, de même facture, paraissent en bonne adéquation avec les jeux du nouveau positif de dos installé en 1632 dont on possède la nomenclature précise. Celle-ci est confirmée par le « prix faicts » de Dominique Eustache (Archives dép. Des Hautes Alpes 1E1587 )
En conclusion, voici la liste de ce qui proviendrait de la facture des frères Eustache :
-Trompette (complète)
-Voix humaine (complète)
-Cromorne (complet)
-Clairon (39 tuyaux)
-Flûte, le premier mesure 1p , (17 tuyaux)
-Tierce, le premier mesure 1 3/5p (15 tuyaux),
-Bourdon, (16 tuyaux)
-Divers tuyaux de plein jeu ou doublette (10)
Tous ces tuyaux attribués à Eustache n’ont aucune marque d’origine. Les seules marques sont celles de S.Sherrer qui dut les renoter afin de les identifier après reclassement. Le rétablissement des tailles d’origine pour ces jeux à bouches ne peut donc se faire que de manière théorique.
Composition des frères Eustache
Grand-Orgue - 49 notes | Positif - 49 notes | Pédale - 12 notes |
Montre 8' | Bourdon 8' | Flûte 8' |
Bourdon 8' | Montre 4' | |
Prestant 4' | 15ème 2' | Tirasse |
Flûte à fuseau 4' | 19ème 1 1/3' + 22ème 1' | |
15ème 2' | Larigot 1 1/3' | |
Tierce 1 3/5' | Cromorne 8' (installés en 1635 ou 1656) | |
19ème 1 1/3' | ||
22ème 1' | ||
Cymbale ? | ||
Nazard 2 2/3' | ||
Cornet 5 rgs | ||
Voix humaine 8' | ||
Trompette 8' (installés en 1635 ou 1656) | ||
Clairon 4' (installés en 1635 ou 1656) |
Intervention de Pierre Vejux pour une somme importante (4050 livres).La facture est typiquement 18ème en étoffe martelée avec de larges soudures sans trace de rouge. Ces tuyaux ne peuvent se comparer aux jeux d’anches qui paraissent plus anciens et dont l’étoffe des pieds est à l’origine, raclée. De plus, les soudures sont très différentes.
Tous ces tuyaux d’étoffe martelée sont disséminés dans différents jeux de l’orgue, sans aucune marque d’origine. Nous les avons attribués à P.Véjux. Les archives ne nous informent que de peu de choses sur l’intervention de ce facteur, mise à part la construction d’un cornet d’écho ( Arch. dép. Des Hautes Alpes G675).
Nous attribuons également à Pierre Véjux, le sommier (25 notes) pour un cornet à 6rgs, trouvé contre le petit orgue de la chapelle saint Anne, avec son abrégé et sa série de balanciers.(Nulle autre archive ne parle d’un facteur construisant un sommier de 25 notes). Ce sommier est de la même facture que le petit sommier de pédale de 12 notes de l’orgue de la chapelle Sainte Anne.
Trois groupes, recomposés à partir des tuyaux attribués à Véjux, semblent provenir, de façon très évidente, des rangs de ce cornet d’écho :
- 8 p ouvert (22 tuyaux), (provenant de la flûte 8 positif au démontage)
-Un rang de bourdon 8p (17 tuyaux) (provenant de la basse de nasard du positif au démontage),
- 6 tuyaux provenant de la tierce et du piccolo du positif au démontage, pouvant être des constituants
d’un rang de prestant de cornet.
Ces tuyaux ont été présentés sur le sommier d’écho dont le faux sommier a été conservé. Ils ont trouvé leur place naturellement en s’insérant convenablement dans le vieux faux-sommier.
Les autres groupes, ne pouvant s’insérer sur le sommier d’écho semblent être des compléments. Les tuyaux trouvés en vrac dans l’orgue de la chapelle saint Anne sont de même facture. De nombreux pieds d’anches ont remplacé des pieds de tuyaux à bouche. (voir le rapport d’étude sur le petit orgue).
Les façades de Samson Sherrer :
Tous les tuyaux des façades grand orgue et positif sont de ce facteur. Certains tuyaux de la façade du G.O. ont été transformés en chanoines, d’autres ont eu les postages décalés afin d’y insérer le C#1 qui n’existait pas puisque le « Prix faict » de Samson Scherrer mentionne l’existence d’un « A, mi , Ao sur le ut # pour tous les jeux ».
Les entailles d’accord et fenêtres ont été agrandies afin de monter le ton. Ces modifications sont bien visibles.
Des réparations ont été exécutées parfois avec du zinc. Les marques trouvées sur ces tuyaux concernent uniquement la numérotation pour définir l’emplacement dans la façade, mais il n’apparaît aucune marque de note. Cette façade est bien faite, en étain bruni. Aucun tuyau n’a de signe d’affaissement.
La tuyauterie intérieure :
Curieusement, le métal n’est pas martelé. Les corps sont en étain, les pieds d’étoffe. Nous avons identifié et attribué cette tuyauterie à Scherrer en observant les traces particulières de raclage à l’arrière des tuyaux de la façade. Ces traces témoignent d’un rabotage exécuté à la « galère ». Les traces laissées par l’outil sont exactement les mêmes pour la façade de Scherrer que pour les tuyaux d’intérieur que nous lui attribuons.
Cette tuyauterie bien notée par Scherrer est constituée des dessus des différents jeux dont les basses sont en façade, d’un ensemble de tuyaux de plein jeu de forte taille, d’un dessus de Nazard, et de différents groupes de quelques tuyaux formant des compléments de jeux :
- Dessus de montre 16 p (8 tuyaux)
- Dessus de montre 8 p (24 tuyaux)
- Dessus de prestant G.O. (26 tuyaux )
- Plein jeu (82 tuyaux fortement dégradés)
- Dessus de nazard (23 tuyaux, uniquement les corps, les pieds étant de Marchand)
- Dessus de montre 4 p positif (13 tuyaux)
- Plusieurs groupes de compléments.
C’est en analysant les marques Scherrer et les tailles de ces tuyaux, que ce classement a pu aboutir. Les dessus des différents jeux de Montre dans l’état au démontage Juin 2000 ne s’avéraient pas être dans leur position d’origine car de nombreux tuyaux, de même diamètre, de même note Scherrer, recoupés, constituaient les dessus de Montre 16p, Prestant 4p. Ces tuyaux ne pouvaient appartenir vraisemblablement qu’au plein jeu que Scherrer recomposa.
Seul le dessus de Montre 8 p n’a pas subi de transformation, un seul tuyau était manquant. Il fut retrouvé dans un groupe de complément grâce aux marques.
On peut donc conclure que Samson Scherrer a fait de neuf tous les jeux de Montre ainsi que leurs Dessus. De plus, il dut modifier le plein jeu ou ajouter de nouveaux rangs, rediapasonner certains jeux et peut être refaire des tuyaux défectueux.
Composition de Samson Scherrer - 1750
Grand-Orgue - 49 notes | Positif - 49 notes | Echo - 25 notes |
A0 sur C#1 ? (14 chapes) | A0 sur C#1 ? (7 chapes) | clavier ajoutée en 1728 par Véjux |
Montre 16' | Bourdon 8' | Cornet 6 rgs (8, 8, 4, 2 2/3, 2, 1 3/5) |
Montre 8' | Montre 4' | |
Bourdon 8' | Dessus de flûte allemande 4' | |
Prestant 4' | Nasard 2 2/3' | |
Fourniture 4 rgs | Doublette 2' | |
Cymbale 3 rgs | Tierce 1 3/5' | |
Flûte 4' | Larigot 1 1/3' | |
Nasard 2 2/3' | Plein jeu 3 rgs | |
Doublette 2' | Cromorne 8' | |
Tierce 1 3/5' | ||
Cornet 5 rgs | ||
Voix humaine 8' | ||
Trompette 8' | ||
Clairon 4' |
Pédale : Rien n'est indiqué dans la convention passée avec Scherrer le 22 Décembre 1750
Sommiers Scherrer G.O. et Positif
Le buffet gothique existe en très grande part. Il manque uniquement une partie des éléments du décor supérieur. Celle-ci se trouvait sur le buffet du petit orgue de la chapelle Sainte Anne. La reconstitution de ce décor est rendue vraisemblable par les nombreuses traces d’assemblages (feuillures, rainures, mortaises) qui sont bien visibles sur les montants de la façade gothique. Ces assemblages positionnent très précisément le décor qui s’ajuste naturellement en fonction des longueurs théoriques des tuyaux de façade.
Les nombreux motifs ornementaux de tout le soubassement gothique resté intact, permettraient une reconstitution probablement très voisine de l’original. Nous présentons un dessin polychrome de restitution de l’ensemble sur le nid d’hirondelle. La passerelle d’accès au nid d’hirondelle a, du coté nef latérale, un garde-corps en panneau sculpté de motifs gothiques. D’après le témoignage de Mr Alix, ancien organiste de l’orgue de la cathédrale, ce garde-corps était autrefois derrière un mur qui masquait les anciennes souffleries. Monsieur Alix a connu l’époque où ce mur était encore en place. Il fut détruit en 1955 par les M.H. On ne comprend pas pourquoi cette balustrade gothique a été enlevée et remontée à l'envers (les panneaux gothiques sculptés sont du côté du mur). Elle est toujours en place actuellement, avec des panneaux de menuiserie modernes, bien fait mais sans intérêts. Notre dessin rétablit cette balustrade gothique. Il rétablit aussi la polychromie du nid d’hirondelle qui, après sondage, s’est révélé être polychrome (Bleu, rouge vermillon et or).
Les différentes modifications par les frères Eustache (1656, 1750) de ce buffet ont conduit au sciage de la semelle de répartition de la charge de la partie instrumentale et du buffet. Cette semelle de forte section répartissait la charge de l’orgue sur les deux grandes écharpes en console du nid d’hirondelle. Le sciage de cette partie vitale de l’ensemble a été fait lors des déplacements latéraux de la structure basse. L’ensemble s’appuie uniquement aujourd’hui sur un plancher de 27mm d’épaisseur seulement.
En 1750, Samson Scherrer ajoute le nouveau décor en encorbellement par rapport au soubassement gothique. Le poids de ce nouveau décor + la façade de 16 pieds est estimé à 1,5 T. Le porte-à-faux augmente ce poids à 2,5 T en poinçonnement sur le soubassement gothique. Celui-ci ne cesse alors de se déformer. Celle-ci ira jusqu’à la brisure d’éléments latéraux de la structure gothique. L’ensemble qui ne reposait plus désormais que sur une épaisseur de plancher de 27mm s’enfonçait irrémédiablement dans le nid d’hirondelle.
L’étude de la tuyauterie attribuée à Marchand révèle que presque 60% du matériel sonore de 1601 ou d’avant 1601 ayant pris place dans le buffet gothique subsiste. Son très bon état de conservation permet une restauration précise avec la fabrication de compléments simples à déterminer.
L’étude des tuyauteries des frères Eustache laisse apparaître un ensemble très complet de la facture Provençale du 17ème siècle.
Les tuyaux de Samson Scherrer (surtout des compléments de la façade) sont en proportion minoritaires, mais l’ensemble Eustache /Scherrer constitue une entité fortement typé «17ème siècle ». Les magnifiques sommiers de Samson Scherrer sont d’une parfaite adéquation avec la tuyauterie ancienne des Eustache que Samson Scherrer reprit telle quelle en 1750.
Le décor 18ème, grand orgue et positif, les sommiers Scherrer, la tuyauterie Eustache/Scherrer constituent donc un instrument homogène en soi. Nous avions émis l’idée que cet ensemble pourrait être remonté dans le collatéral gauche au niveau du chœur sur une tribune conçu avec un encombrement minimum. Cette situation n’aurait pas été défavorable à une bonne diffusion du son. L’intégration dans l’architecture pouvait sembler sans conflit, la fenêtre romane et la porte de l’ancienne sacristie étant complètement dégagées. Cette idée, dont le l’objectif était en réalité de pouvoir reconstituer le buffet gothique sur son nid d’hirondelle avec les éléments sonores et mécaniques de Pierre Marchand, a été rejetée par la Conservation régionale des Monuments historiques très probablement pour des questions budgétaires mais aussi pour être en conformité avec la «Charte de Venise » qui stipule que les strates de l’histoire d’un monument ne doivent être dissociées.
Reconstitution du buffet gothique