SOLLIES-PONT - Eglise Saint-Jean-Baptiste

Orgue : 2 claviers , pédalier - 21 jeux

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Historique:

L’ancienne église possédait un orgue qui fut anéanti par l’effondrement de l’église l’année même de sa construction (1699). Alors qu’au cours du XVIIIème siècle, Eustache avait refusé d’implanter un orgue sur la tribune à gauche du chœur, ce n’est qu’en 1843 que le curé Davin - nommé en 1841 - fait connaître son désir de finaliser la construction d’un orgue. Fin 1844, un cahier des charges est établi par Crudère fils, organiste du grand orgue Isnard de Saint-Cannat de Marseille.


Il prévoit d’implanter un instrument de vingt jeux sur la tribune trapézoïdale nouvellement construite en 1838. Cette tribune est idéalement élevée à 6 mètres du sol et distante de 10,5 mètres du sommet de la voûte.

 

Dans son avant projet, Crudère accorde une grande importance au fond d’orgue et au grand jeu, il semble en revanche, peu sensible aux jeux de mutations puisque sa composition ne comprend pas de nazard et que le cornet ne comporte que trois rangs. De même, il ne prête que peu d’importance au plan de pédale et se contente de 18 marches en tirasse fixe du clavier de Grand-Orgue.

 

Son goût pour la modernité et les sonorités romantiques se lit clairement dans son avant - projet. Outre les gambes des deux claviers, il ajoute aux jeux d’anches de l’orgue classique, des jeux à la mode comme le cor anglais au récit et l’euphone au grand orgue, sans doute à anches libres dans son esprit. A noter également que toutes les anches prévues sont des anches coniques (pas de cromorne ni de voix humaine).

 

Crudère consulte cinq facteurs : Joseph et Claude Ignace Callinet de Rouffach, Daublaine _ Callinet de Paris, Chambry de Valence et Agati de Pistoia en Italie, ce dernier demande dans une lettre adressée à Crudère ce qu‘il entend par clairon.

 

 

Composition :

 

Grand-Orgue - 54 notes Récit expressif - 42 notes Pédale - 30 notes
     
Bourdon 16' Flûte traversière 8' En tirasse fixe sur le Grand-Orgue
Montre 8' Dulciane 8' avec laye séparée
Bourdon 8' Bourdon 8'  
Flûte traversière 8' Prestant 4'  
Gambe 8' Trompette 8'  
Prestant 4' Hautbois 8'  
Flûte 4' Voix humaine 8'  
Doublette 2'    
Fourniture 5 rangs    
Cornet 5 rangs (C3 - F5)    
Trompette 8'    
Basson 8' (C1 - C3)    
Chalumeau 8' (C#3 - F5)    
Cromorne 8' Tremblant  
Clairon 4'    

Appel/renvoi Grand-Jeu au pied (le Grand-Jeu actionne la Trompette, le Chalumeau, le Clairon et le Cornet au G.O.)

Accouplement II/I à tiroir

 

Le 17 décembre 1844, l’expert fait parvenir au curé Davin les résultats de son appel d’offre en mettant en avant le projet de Joseph Callinet.
Le conseil de fabrique signe le traité le 6 juillet 1845 avec Joseph Callinet de Rouffach qui doit livrer l’orgue en mai 1846  pour 13000 francs. Le procès-verbal de réception remonte au 19 avril 1846, la construction, le transport, l’harmonisation et l’accord n’auront donc pris qu’un peu plus de neuf mois. C’est à cette date que les fabriciens votent les crédits pour l’organiste et le souffleur.

 

Joseph, loin d’Alsace, réalisa un instrument assez fidèle à l’avant-projet. Sa réalisation, est différente de celle des orgues habituels construits par les Callinet. A Solliès-Pont, le récit expressif en second clavier remplace le positif de dos traditionnel. Comme demandé par Crudère, il n’y a pas de pédale indépendante. Enfin, 33% de jeux d’anches, soit un jeu sur trois, dépassent  nettement les 25% en usage dans la maison.

Il repense ici son plan habituel de buffet à quatre tourelles, les grandes à l’extérieur. Pour masquer la boîte expressive du récit, il place deux étages de tuyaux au centre et inverse la ligne des bouches des plates-faces. Aristide Cavaillé-Coll procèdera parfois de même avec une petite façade qui masque la boîte expressive au-dessus de la grande.

Joseph reproduisit cette disposition à Ste Marie aux Mines (Haut Rhin) et à Frick (Suisse). Ailleurs, par exemple à Sallanches il remplace les deux étages superposés par une grande plate face centrale.

 

Dans l’ornementation, on peut remarquer les beaux pots à flammes qui couronnent les tourelles, les moulurations importantes, les culs de lampe ornés de fines palmettes et de pommes de pin. La console en fenêtre est fermée par deux volets. La face avant du buffet est en chêne (plaqué sur du sapin pour les traverses et montants), les côtés, l’arrière et les plafonds en sapin.

 

C’est proportionnellement l’orgue le plus cher qu’ait construit Joseph Callinet. Pour la même somme de 13000 francs, un orgue Alsacien aurait compté trente cinq jeux sur trois claviers pédalier. On peut attribuer cette disparité au coût du transport sur près de 800 kilomètres.

La souscription pour le payement lancée par le conseil de fabrique s’avéra insuffisante et l’orgue ne sera intégralement payé qu’en 1862, soit 16 ans après sa réception ! Au décès de Joseph Callinet en 1857, la dette Sollièspontoise se monte encore à 10000 francs, plus les intérêts. Finalement le curé Davin prête 1000 francs à la fabrique en janvier 1862 pour solder le paiement de l’instrument.

 

L’arrivée de l’instrument en Provence dût faire grand bruit car monsieur Kauffmann, organiste du nouvel orgue Zeiger de Lorgues,

instrument de 43 jeux sur 4 claviers construit en 1843, décide de quitter sa tribune pour venir tenir les claviers de l’orgue Callinet dès 1846. L’année suivante, la fabrique de Saint Joseph à Marseille décide de commander un grand orgue de trois claviers d’une quarantaine de jeux remplacé plus tard par Aristide Cavaillé-Coll.

 

En Juin 1856, Grégori, organiste de Saint Louis de Toulon et ami de Crudère, effectue un accord général de l’instrument et signe son passage sur l’entablement à l’arrière des frises de laye.

 

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En 1872, la maison Puget de Toulouse, propose de doter l’instrument d’une pédale indépendante de 27 notes pourvue de 4 jeux, de normaliser la composition du grand orgue et de construire un nouveau sommier de récit expressif doté de 54 gravures pour 8 jeux. Ce projet qui aurait complètement transformé l’orgue, ne sera pas réalisé. Cette même année, Puget se contentera de pratiquer un relevage, de petits travaux (remplacement de l‘accouplement à tiroir par un système à fourchettes, remplacement du tremblant doux par un tremblant à vent perdu, modification d’un jeu (le Basson-Chalumeau est remplacé par un Basson 8-16 (à C2) tout en insérant la basse de Basson de Callinet) et pose des parallélismes sur le réservoir) ainsi que des retouches d’harmonie et un accord général. La signature de ces travaux a été retrouvée sur une des jalousies du récit. Nous savons que ce sont messieurs Eugène et Théodore qui ont effectué ces travaux du 12 au 24 Août de l’année 1872.

En 1900, Méritan effectue des réparations et change les mécanismes de la soufflerie. En 1911, il effectue un accord général.

En 1945, Jean-Albert Négrel nettoie l’orgue des débris de la rosace soufflée par la destruction du pont sur le Gapeau. Il recule l’orgue pour laisser de l’espace aux chanteuses. Il coupe le réservoir en deux pour le loger dans le soubassement supprimant au passage le système d’appel grand-jeu et la laye de tirasse au profit d’un mécanisme sous le clavier, portant l’étendue du pédalier à 27 notes.

 

En 1963, Négrel effectue un relevage des parties mécaniques, complète le récit d’une octave grave pneumatique placée dans le soubassement à la place de l’un des deux réservoirs et construit une pédale indépendante de 3 jeux : Bourdon 16’ – Flûte 8’ – Flûte 4’ en extension pneumatique. L’étendue de la pédale est portée à 30 notes. La composition est également modifiée, les étiquettes sont changées, des tuyaux Callinet sont remplacés par des jeux d’occasion (Nazard et Tierce Récit) mais aussi par des tuyaux neufs de Schwenkedel (2 rangs de la Fourniture Cymbale dont la composition est modifiée). C’est entre les deux interventions de Négrel que fut installé un ventilateur électrique.

Ces derniers travaux de Négrel marquaient une dérive inquiétante avec des entailles pratiquées dans la tuyauterie, des inversions de tuyaux, la suppression de l’un des deux réservoirs et la modification du circuit du vent. Pourtant, l’essentiel de la structure et de la tuyauterie restait en place.

En 1965, l’ouvrage magistral de Pie Meyer-Siat sur « Les Callinet » permit de mieux apprécier les caractéristiques de cet orgue dont le classement parmi les monuments historiques sera envisagé dès 1971. Claude Aubry, technicien-conseil se déplaça pour étudier l’instrument et Pierre Rochas réalisa des clichés. Après de nombreuses études et démarches, l’orgue fut enfin classé par le 10 juin 1983.

 

 

Couperin, G. Pierné -Hermès Vernet

Travaux de restauration :

 

La soufflerie est certainement la partie de l’orgue qui avait le plus souffert des travaux de Négrel. Au démontage, le réservoir présent dans le soubassement allait nous réserver une belle surprise. Si il était gravement malade, son ouverture a permis de retrouver de nombreux journaux d’époque encollés sur ses parois intérieures. La date de 1846 a même été retrouvée sur un journal collé sur la trappe de visite, ce qui ne permettait pas le moindre doute quant à son origine.

 

La trappe a donc été intégrée au nouveau soufflet qui a pu être reconstitué après étude du morceau de l‘ancien qui subsistait. Les pompes avaient disparu avec leurs mouvements, mais là aussi grâce aux vestiges encore présents, elles ont pu être reconstituées. La visite de l’orgue de Guémar qui possède un soufflet similaire a confirmé nos intuitions.

Le porte vent principal avait également été modifié, conséquence du positionnement des soufflets dans le soubassement.

Tous ces éléments ont retrouvé leurs dispositions originales et leur emplacement naturel. Le réservoir à table intermédiaire mais dont les plis ne sont pas compensés, mesure 9 pieds par 4,5, il est rempli par deux pompes à un pli de 4 pieds par 2,5 montées sur cadre.

 

Comme le faisait Callinet, l’ensemble pompes - réservoir a été monté sur une petite charpente. Le choix des peaux, a été respecté : basane pour les grandes bandes, peau blanche pour les aines et les surtouts (coins). Le papier bleu qui recouvre les porte-vent et les éclisses de soufflet a été entièrement changé.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les sommiers, qui avaient miraculeusement conservé leur enchapage d’origine (avec des clous forgés), ont été entièrement restaurés pour la première fois après plus de 160 ans de service.

Les postages n’avaient certainement jamais été démontés. Certains ont du être changés, victimes des rats et du temps.

 

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La couche de poussière qui recouvrait l’ensemble était à la mesure de l’authenticité des trois sommiers. Lors du déchapage, d’immenses fentes étaient présentes sur les tables et leur restauration par flipots ne parût pas être une solution pérenne. Il fallait changer ces tables. Pour garantir la meilleure tenue des travaux dans le temps, il a été décidé d’utiliser du tilleul plutôt que du chêne pour les nouvelles tables. Toutes les peaux ont été changées et les laitons frottés ou changés au besoin. Les layes de pédale ont été agrandies pour laisser la place aux nouvelles soupapes F#2-F3. Bien évidemment, les clous forgés qui assuraient l’enchapage original, ont retrouvé leur place.

 

La mécanique, entièrement d’origine pour les jeux et pour les notes (exception faite de la mécanique de la laye de pédale) a été entièrement révisée, les claviers restaurés et blanchis, le système d’accouplement à tiroir restitué, le pédalier refait. C’est un pédalier à l’allemande droit en chêne copié sur les rares pédaliers Callinet encore en place, un banc adapté a également été construit.

Les étiquettes ont été refaites d’après celles de Saint Chef sur papier vergé.

Les jalousies de l’expression du Récit ont la particularité de s’ouvrir vers la voûte. Elles sont actionnées par un tirant de registre et donc ne possèdent que deux positions : ouvert, fermé, d‘où le surnom de Récit-Echo souvent donné aux récits Callinet.

 

 

 

 

 

La mécanique de tirasse pédale, qui avait entièrement disparu se compose de doubles balanciers qui partent du pédalier en direction de l’abrégé, le tout entièrement neuf.

 

Du système d’appel – renvoi grand jeu, il ne restait que peu de choses au démontage. L’observation méticuleuse des éléments subsistant et du soubassement de l’orgue a permis de reconstituer ce système qui appelle Trompette - Clairon - Dessus de Chalumeau et Dessus de Cornet.

Un travail important a également été nécessaire pour restaurer le buffet. Ce dernier portait les stigmates les plus visibles des précédentes interventions. Le panneautage arrière avait été sauvagement entaillé tout comme les côtés du soubassement. Il avait également été reverni après guerre dans une teinte plus foncée. Il a donc été entièrement décapé, vérifié dans ses assemblages et complété en copie pour les éléments manquants, l’ensemble a été reverni au vernis copal (gomme laque) qu’utilisaient les Callinet (information retrouvée dans une ligne d’un devis).

 

Les tuyaux d’une très belle facture, étaient dans un état de conservation particulièrement bon pour la tuyauterie métal et beaucoup plus inquiétant pour les tuyaux en bois. Ces derniers fortement attaqués par les vers avaient été pour certains recouvert de papier Kraft ou badigeonné d’une épaisse peinture marron pour en assurer l’étanchéité. Ils ont été restaurés puis enduits d’une peinture ocre similaire à celle dont Callinet enduisait ses soufflets. Quelques uns trop endommagés ont du être remplacés par des tuyaux en copie. Toutes les peaux des tampons ont été changées ainsi que celles qui recouvrent les blocs pour assurer l’étanchéité au pied des tuyaux de bois.

La tuyauterie en métal a été mandrinée pour enlever les quelques bosses après lavage, puis quelques réparations ont été nécessaires (oreilles dessoudées, attaque de quelques pieds par des rats…) 
Les bourdons qui ont gardé leurs calottes soudées d’origine et les basses de Gambe déposées par Négrel, soigneusement gardées au Presbytère et non retouchées de façon certaine ont été des éléments précieux pour retrouver le diapason de l’orgue. (A=430,6Hz à 15°C soit A=433Hz à 18°C). Encore fallait-il retrouver la pression. De nombreux tests ont été pratiqués sur différents tuyaux pris dans divers jeux et les résultats obtenus se rapprochent de ce qu’écrivit Joseph Callinet au conseil de fabrique de Lons le Saunier. A savoir, que dans une église au volume important, Joseph Callinet donnait à ses instruments une pression plus importante. La valeur de 95mm.ce obtenue par les tests se trouvait donc ici parfaitement justifiée.

Après le démontage, la tuyauterie a été reclassée (inversions dans la Fourniture suite à la recomposition de Négrel) et nettoyée. Plus de 80% du matériel sonore original nous est parvenu. Les jeux incomplets ont été complétés par des tuyaux neufs faits suivant le modèle du facteur de Rouffach. Remarquons au passage la très forte teneur en étain des alliages : 96% d’étain pour les principaux, les gambes et les anches, 53% pour les flûtes et bourdons, les deux alliages contenant du cuivre. Certains tuyaux, qui avaient été légèrement recoupés ou abîmés par des accords successifs ont été rallongés.

 

Les deux jeux qui avaient intégralement disparu sont des copies de jeux existant dans d’autres orgues Callinet tout comme le jeu qui n’avait pas été placé à l’origine. Compte tenu de sa place sur le sommier (entre le Basson-Chalumeau et le Clairon) et des perces de la chape qui correspondent à celle d’une anche, il a été décidé de placer un Cromhorn (orthographe des Callinet).  

Le dessus de chalumeau Grand Orgue copié sur celui de Guémar (1843).
Le cromorne du Grand Orgue copié sur celui de Lons le Saunier (1844).
La voix humaine du Récit copiée sur celle de Sallanches (1850).

Quelques particularités de la tuyauterie :

Les jeux bouchés ont une basse en bois jusqu’au Eb au dessus du 4p (Bourdon 16p, Bourdons 8p GO et Récit, Flûte 4p). La première octave de la Flûte traversière de 8p GO est également en bois (ouverte). Les plaquettes sont fixées par clous forgés sur rondelles de basane.
La dulciana du récit est un jeu de fine taille légèrement conique aux bouches semi circulaire. Comme l’ensemble des fonds du récit, ce jeu est en étoffe.
Les dessus du chalumeau et du hautbois sont harmoniques à partir de F#4.
Les premières octaves de la Trompette et du Basson ont des boîtes en tilleul tourné.
Le basson a des anches en poirier tourné de grosse taille recouvertes d’une peau fine, dans laquelle est pratiquée une ouverture carrée, sur toute son étendue.

 

 

 

 

La fourniture est composée comme suit :

C1       C2       F2        C3       C#3     G3       C#4     F4        Bb4     C5
1 1/3                2 2/3                                                   4          5 1/3
1          1 1/3    2                                                         4
2/3       1          1 1/3                            2                      2 2/3                4
½         1                                 1 1/3                2                                 2 2/3
1/3       2/3                   1                      1 1/3                2                      2 2/3

L’étendue du clavier de pédale portée à 30 notes par Négrel, les parallélismes sur le réservoir et le ventilateur électrique pour la soufflerie sont les seuls apports ultérieurs maintenus, comme le prévoit le programme des travaux proposé par le technicien-conseil Mr Jean Pierre Decavèle en charge du dossier. Par souci de sécurité la largeur des planchers d’accords à l’arrière de l’orgue a été doublée et les fixations au mur refaites.    

Lors du remontage, l’orgue a été avancé sur la tribune d’environ 80 centimètres retrouvant ainsi la place qu’il occupait à l’origine. Des marques sur le carrelage apparues au démontage,  ont permis de retrouver cet emplacement sans ambiguïté.

Le ventilateur qui traînait dans le soubassement de l’orgue lors du démontage a été sorti du buffet pour être placé au plus près du soufflet dans une caisse neuve, tout comme la boîte à rideau qui a été refaite.

La phase d’harmonisation a donc été conduite suivant le diapason et la pression retrouvés et en gardant en vue les préceptes d’harmonie de Joseph Callinet qu’il décrivait dans ses devis recopiés et publiés par Meyer-Siat. Le tempérament est égal.

 

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