Nos réalisations


PARIS - Cathédrale Notre-Dame
Restauration 2024
En 2019, c’est l’incendie. L’effondrement de la flèche sur les voûtes du transept crée une large ouverture à ciel ouvert par laquelle toutes les poussières de la combustion des charpentes mélangées aux vapeurs de plomb fondu (plus ou moins 400 tonnes) s’engouffrent et envahissent la totalité de la nef et bien sûr, l’orgue.
Quelques jours après l’incendie, nous avons constaté les dégâts provoqués sur l’instrument par l’incendie. Sur toute la partie instrumentale et sur toute la tuyauterie, on constate une épaisse couche de poussière couleur sable, sèche, non collante, mais en revanche aucune trace d’infiltration d’eau et aucun désordre apparent. Nous n’avons pu remettre l’orgue en marche, le réseau électrique de la cathédrale ayant été complètement détérioré. Il était donc bien difficile d’évaluer l’état général de l’instrument, en revanche, en poussant ou tirant à la main quelques registres on pouvait seulement constater qu’il était vraiment difficile de les faire glisser.
On en a donc conclu que l’orgue, bien qu’épargné par les flammes, pouvait souffrir des conséquences de l’incendie, en particulier la poussière. Celle-ci a été analysée et s’est avérée particulièrement dangereuse pour la santé, le plomb fondu par la chaleur ayant probablement sublimé. Toute la cathédrale, y compris la zone de l’orgue, fut donc déclarée comme espace fortement contaminé.

De plus, durant l’été 2019 qui suivit, un violent épisode caniculaire de quelques semaines provoqua une baisse rapide et importante de l’hygrométrie. Cet événement ne favorisa pas l’état général de l’instrument, notamment celui des sommiers, l’orgue se trouvant de fait en plein air. Il fut donc décidé de le démonter intégralement. Sont seulement restés in situ le buffet et les grands tuyaux de flûte de 32 p. ainsi que les quatre grands soufflets primaires. Ce démontage n’eut lieu qu’en Août 2020. L’atelier Orgues Quoirin fut désigné comme mandataire, associé à deux autres ateliers de facture d’orgues, la manufacture M.L.G.O (manufacture languedocienne de grandes orgues) et l’atelier Olivier Chevron (ancien atelier B. Cattiaux). Ce démontage dure environ 2 à 3 mois.
Les conditions de travail en lieu contaminé imposent des équipements de protection spéciaux tel que le casque intégral avec système de respiration intégré, mais il oblige aussi à une discipline rigoureuse, comme les douches obligatoires pour passer des zones contaminées à celles jugée acceptables, des arrêts réguliers de l’activité pour éviter de trop longues expositions aux poussières de plomb etc. En fait, les mêmes consignes et obligations de sécurité que pour le travail en lieu contaminé par l’amiante.

La tuyauterie fut démontée et mise en caisse, caisses conçues de manière à ce que ces tuyaux restent debout et non à plat. La confection de presque 200 de ces caisses fut nécessaire ! L’atelier Chevron réceptionna cette tuyauterie (métal et bois) afin de la décontaminer selon une procédure imposée par la maîtrise d’œuvre (architecture et techniciens-conseils).
Le reste de la partie instrumentale fut réceptionné à l’atelier Orgues Quoirin pour y être examiné et analysé afin de définir les modes de restauration qui s’imposeront ensuite pour chacun des éléments, souffleries, sommiers, tirage des jeux, tirage des notes, console etc.

Nous avons entrepris le démontage intégral des sommiers afin de tester l’état des grilles et des tables. Ces tests ont révélé un certain nombre de défauts comme de nets emprunts entre les gravures, quelques fissures ou gerces dans les tables, beaucoup de soupapes non efficientes.
Il fut donc décidé qu’une restauration complète des 16 sommiers de l’orgue devait être réalisée, ce qui fut fait par l’atelier M.L.G.O. En ce qui concerne l’état des souffleries, il a été aussi constaté que le contact des peaux avec la poussière de l’incendie les avait complètement dénaturées. Toutes les souffleries ont donc été intégralement remises en peau, environ 200 peaux (mégis) de mouton furent nécessaires. Chacun des multiples éléments rapatriés dans l’atelier Orgues Quoirin fut décontaminé puis restauré.
La console et son électronique ont été également testées et beaucoup de composants, jugés partiellement détériorés ou peu fiables par l’entreprise Eltec, ont été remplacés. La décontamination de la console a dû être renouvelée plusieurs fois, les poussières de plomb s’étant incrustées en profondeur dans l’ivoire des boutons de registres et le placage des claviers.
structure :


En ce qui concerne le principe de transmission des notes, le système électro-pneumatique en place depuis la restauration par Hermann dans les années 1960 avait été conservé et restauré lors des travaux de 2014. Ce système, jugé hors d’usage suite à l’incendie, se composait d’unités de transmissions constituées d’une laye d’électro-aimants de faible puissance, activant les soupapes de décharge de soufflets logés dans une autre laye sous pression. Ces unités d’une importante volumétrie étaient placées sous chacun des sommiers, ce qui provoque, compte tenu de la disposition très particulière des plans sonores de cet orgue, des écrans acoustiques peu favorables au rayonnement sonore. La transmission des notes a donc été réétudiée au profit d’une transmission directe et paramétrable beaucoup plus discrète en termes de volume. Il en a été de même pour tout le tirage des jeux (115 jeux réels) pour lequel le remplacement des vérins pneumatiques installés en 2014 fut nécessaire du fait de leur détérioration causée par les conséquences de l’incendie.
Sur le buffet, il a été constaté une dégradation importante du vernis de finition affectant aussi l’épiderme d’origine, un « faux-bois » revêtant l’intégralité de l’ensemble du buffet. Beaucoup de sculptures réalisées en « carton-pierre » se sont également avérées fragilisées et porteuses de nombreuses épaufrures. Il fut donc décidé une réfection intégrale de l’épiderme qui consistait, suite à une phase de décontamination, en un décapage des surfaces et la création d’un faux-bois à l’identique de l’ancien, la restauration des sculptures « carton-pierre » et la pose d’un vernis protecteur pour finir. Cette restauration réalisée par L’atelier Orgues Quoirin se déroula sur une période de 5 mois.
Tous les travaux de restauration en atelier, une fois achevés, la phase de remontage sur site pouvait commencer. Les mêmes conditions de sécurité étaient toujours en vigueur : équipements spéciaux, douches obligatoires, contrôles santé. Ces contraintes ont rendu notre travail difficile. Cette période de remontage s’est déroulée sur une durée de 2 ans.
structure :


Les « travaux sonores », comme disent nos chers experts agréés, se sont déroulés dans des conditions notoirement pénibles. « Harmonisation », le terme serait plus convenable mais néanmoins quelque peu inapproprié puisque l’orgue était déjà harmonisé et que la décontamination et le nettoyage des tuyaux n’ont provoqué que quelques désordres superficiels. Il n’était bien sûr pas question d’entreprendre des modifications d’intensité, d’équilibre des plans sonores dans un contexte acoustique si éloigné de celui d’avant l’incendie. D’autre part, le bruit ambiant des travaux, en cours dans la nef jusqu’aux derniers jours avant l’ouverture, rendait l’écoute attentive impossible. Il fallait attendre la nuit pour procéder à l’égalisation jeu par jeu. Seul l’accord était réalisable le jour suivant. Une organisation particulière pour ce travail a donc été mise en place. Nous avons constitué deux équipes travaillant par périodes successives : la nuit, l’égalisation des jeux et la journée, l’accord, le tout sous la conduite des deux anciens, Pascal Quoirin et Bertrand Cattiaux qui se sont plus particulièrement, les dernières semaines, occupés des jeux d’anches.
Est-ce que l’orgue a retrouvé ses qualités sonores d‘avant l’incendie ?
Ce n’est pas évident à dire, le nettoyage complet de l’édifice a modifié l’état de surface des murs, des voûtes et du sol refait en grande partie. Les organistes Olivier Latry, et Philippe Lefebvre, qui gardent la mémoire sonore de cet instrument d’avant l’incendie, ont été quelque peu surpris à la première écoute lorsque nous leur avons présenté une partie de notre travail d’harmonisation. Mais la nef était encore encombrée d’échafaudages, de grandes bâches de protection et de revêtements provisoires des sols. De plus, le silence dans la nef n’était pas total. La réverbération estimée à entre 6 et 7 secondes avant l’incendie se trouvait alors réduite à 3 à 4 secondes. Un mois plus tard, les « travaux sonores » étant pratiquement achevés, Olivier Latry est une nouvelle fois venu tester l’instrument.
Nous vous livrons ici son impression : « Je suis passé à Notre-Dame hier, et j’ai pu jouer l’orgue dans des conditions meilleures que lors de notre dernière visite commune. L’espace se vide, les tapis de protection ont été enlevés, et on retrouve les sensations acoustiques d’avant, même s’il me semble que les vagues réverbérantes sont plus larges, avec une projection plus linéaire jusqu’au chœur de la cathédrale. L’orgue a, avec l’acoustique, retrouvé son ascendance. » Il s’agit en fait d’une remise en état ordinaire, longue, parfois difficile mais ordinaire. C’est similaire à une restauration comme celle de l’orgue Dom-Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux, pour laquelle une étude intensive fut nécessaire sur tout le matériel d’origine profondément mutilé, où il a fallu recréer l’entièreté de la partie instrumentale, restaurer une tuyauterie fortement dégradée, faire des copies d’originaux, imaginer l’organisation instrumentale initiale. Par comparaison, le programme de restauration et de réhabilitation de l’orgue de Notre-Dame a été simple, même s’il a dû être adapté au fil des découvertes. Il a surtout été important en termes de pénibilité et en quantité d’heures de travail puisque nous en comptabilisons aujourd’hui plus de 30 000. Ce chantier restera gravé dans nos mémoires.
structure :
La partie supérieure centrale : corniche, sculpture de la tourelle centrale et bandeaux latéraux sont entièrement restaurés.
corniche avant et après restauration


les parties supérieures latérales ont été dépoussiérées, traitées et réassemblées avec des greffes si nécessaire, puis nettoyées et remises en teinte. Il reste à passer la gomme laque teintée et le vernis paraloïd.
les parties inférieures ont été seulement dépoussiérées et traitées.
3- Restauration des éléments anciens :

ll a été effectuée selon les étapes suivantes :
– dépoussiérage et traitement du bois (par injection et imprégnation de la face arrière)
– nettoyage au tri Ammonium Citrate (TAC) dilué dans de l’eau déminéralisée pour éliminer la crasse de surface.
– remise en teinte des greffes et des petites épaufrures ayant été comblées : passage à chaud d’une couche de peinture à base de colle de peau de lapin et de pigment ocre jaune puis simulation du faux bois avec des nuances de brun avant d’appliquer une légère couche de gomme laque elle aussi teintée.
– régénération du vernis gomme laque blanchi par l’accumulation de poussière « collée » en surface : on passe avec un pinceau doux le mélange d’ isopropanol et de méthyléthylcétone (MEK) sélectionné après avoir effectué des tests sur des zones témoins.

Si nécessaire, il faut restituer le faux-bois sur les zones endommagées:
– protection et finition par passage d’un vernis reversible à base de paraloïd B52


4- Création du faux-bois sur les parties de structure neuves

Les parties neuves reconstruites pour reconstituer la façade du positif et mettre en valeur les magnifiques sculptures qui la décorent doivent être peintes pour s’harmoniser avec les restes anciens du buffet.
La réalisation du faux-bois sur les parties neuves est inspiré des panneaux inférieurs à rosace et est exécuté en plusieurs étapes:
– passage à chaud d’une couche de colle de peau de lapin diluée pour une bonne adhérence de la peinture
– passage à chaud de la couleur de base ocre jaune puis élaboration du faux-bois avec différentes nuances de brun provenant de pigments naturels
– protection et finition avec le vernis paraloïd.

5- Montage sur le site :
montage de la structure métallique sur laquelle va être accroché l’orgue
puis montage des élémens du positif :



Positif monté dans la salle haute de la tour sud


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